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Vie et miracles de Saint Benoît l'Africain

Vie et miracles de Saint Benoît l’Africain

Saint Benoît l’Africain, appelé encore Saint Benoît le More ou Saint Benoît le Noir, est vénéré au Sénégal depuis plus d’un siècle. A 4 km de Ngazobil, sur la côte en venant de Dakar, se trouve le village de Mbodiène dont la petite église est dédiée à Saint Benoît l’Africain. Sa fête patronale y est célébrée chaque année le 4 avril. Mais force est de constater qu’en dehors du Sénégal, de la Sicile et du Brésil, Saint Benoît est inconnu partout ailleurs. Cette présentation donne un aperçu biographique du premier Noir canonisé.

Les grands-parents de Benoît furent achetés en Afrique comme esclaves. Ses parents, Christophe et Diane – prénoms très probablement donnés par leur maître après les avoir fait baptiser – naquirent en Italie et eurent la chance de se retrouver entre les mains d’un maître humain et compréhensif : Vincenzo Manasseri. Celui-ci donna à Christophe la responsabilité de son domaine agricole. En ce temps-là, l’état de serf se transmettait de génération en génération. Des parents esclaves donnaient naissance à un enfant esclave et il n’y avait aucune chance que cette chaîne de malédiction se brisât. Or Christophe et Diane ne voulaient pas d’un enfant à qui ils transmettraient l’esclavage. C’est pourquoi ils décidèrent de commun accord de ne pas avoir d’enfant. A la question de Manasseri qui s’étonnait de les voir sans progéniture depuis des années, Christophe répondit : « Maître, je ne souhaite pas à mon enfant la condition d’esclave. C’est pourquoi, ma femme et moi offrons au Dieu éternel et Père de Jésus Christ ce sacrifice. Nous n’aurons pas de descendance. »[1] Alors Manasseri, choqué par cette réponse inattendue mais franche et catégorique, leur fit la singulière promesse d’affranchir leur premier-né. C’est ainsi que naquit en 1526 l’enfant noir qui eut une destinée si merveilleuse. Manasseri s’empressa de le faire baptiser et lui donna le prénom de Benoît.

Quand il eut dix ans, Vincenzo Manasseri, conformément à ce qu’il avait promis, affranchit le jeune esclave qui devint alors libre. Malheureusement, Benoît n’apprit jamais à lire, et resta toute sa vie analphabète, comme nous le dit le document de sa canonisation. Mais il était d’une douceur déconcertante, opposant toujours la douceur à l’hostilité, la paix aux injures, la prière aux blasphèmes. C’est un dimanche, dans la petite église de San Filadelfo, village où il vivait avec ses parents et son maître, qu’il entendit pour la première fois parler de Saint François d’Assise. Un religieux capucin évoquait alors avec feu celui qui était à l’origine de son ordre et parlait d’un mode de vie qui ressemblait étrangement à celui auquel Benoît aspirait de tout son être, voire qu’il vivait déjà en miniature.

C’est ainsi qu’à l’âge de 21 ans, Benoît s’adjoignit aux ermites de San Domenica dont la vie était proche de celle des premiers Pères du désert qui cherchaient Dieu dans une retraite extrêmement fruste. Sous la direction de Jérôme Lanza, ils se nourrissaient d’un peu de pain et d’herbes sauvages et vivaient dans des huttes de branchages, soumettant leurs corps à de rudes austérités. Pour fuir la popularité qu’ils acquirent très vite dans la région, ils changèrent de lieux, trouvant d’abord une retraite dans la vallée de Nazzara, puis dans le désert sec de Mancusa. C’est là que Benoît accomplit un miracle, qui allait accroître une réputation de sainteté qu’il avait déjà. Un malade s’était dirigé vers l’ermitage pour demander des prières. A la prière de Benoît, il fut immédiatement guéri. Ce miracle fut aussitôt connu bien au-delà de San Filadelfo, ce qui fit accourir des foules d’impotents vers le nouveau thaumaturge. Fuyant encore cette foule dévote, les religieux s’établirent dans une région rocheuse nommée Monte-Pellegrino. C’est là que 10 ans après l’entrée de Benoît dans la communauté de Jérôme Lanza, celui-ci mourut et Benoît fut unanimement élu pour lui succéder.

La réputation des religieux, les miracles accomplis, la piété du peuple attirèrent la jalousie d’individus mal intentionnés qui eurent assez d’influence à Rome. Sous le pontificat de Pie IV, tomba la triste nouvelle de la dissolution de la communauté avec l’obligation pour chacun de s’agréger à une communauté plus ancienne. Benoît se rendit alors à la cathédrale de Palerme pour y prier afin d’être éclairé par Dieu. La bulle de canonisation rapporte qu’alors qu’il priait à la cathédrale de Palerme devant une image de la Vierge Marie, Dieu l’illumina à trois reprises, et la réponse fut claire : il devait rejoindre les Frères Mineurs de l’Observance, qui s’étaient agrégés en 1517 à une autre branche franciscaine, celle des Conventuels.

Là, l’admission d’un religieux ayant déjà vécu 15 années de vie conventuelle et connu pour sa sainteté et ses miracles éveilla plutôt des soupçons, et l’on craignit que sa singularité n’alimentât une curiosité déplacée. C’est pourquoi, il fut envoyé dans un petit couvent de récollection, Santa Anna di Giuliana. Benoît y passa trois années heureuses, période de silence faite de longues heures de conversation avec Dieu. Mais en 1567, il reçut l’ordre du Provincial de rejoindre la grande communauté de Santa Maria di Gesù de Palerme où il fut désigné comme cuisinier, office compatible avec son peu d’instruction. Il s’adonna à cette charge à cœur joie. Bien qu’étant souvent en extase, même à la cuisine, la Providence l’assistait, et les frères n’eurent jamais à se plaindre de lui. Au contraire, des récits d’approvisionnements mystérieux en cas de pénurie de vivres ainsi que d’autres histoires miraculeuses se multiplièrent dans l’exercice de cette charge qu’il assuma pendant 11 ans.

En 1578, alors que Benoît, âgé de 52 ans, était devenu très connu pour ses pénitences et ses jeûnes très fréquents, pour ses austérités et macérations mais aussi pour ses extases et ravissements devenus ordinaires, un chapitre réuni à Palerme pour mettre en œuvre une réforme allant dans le sens d’une plus grande observance, l’élit supérieur du couvent de Santa Maria di Gesù. Il fut forcé d’accepter. Selon les actes du procès de béatification, il continua néanmoins à rendre des services à la cuisine, accomplissait les plus humbles tâches et conduisait la communauté avec douceur. Au bout de trois ans, il supplia d’être déchargé pour pouvoir retrouver sa vie de solitude. Mais on ne le déchargea que pour lui confier la charge de vicaire. Cette nouvelle charge, il l’assuma pendant trois ans, s’échappant souvent pour aller méditer dans la solitude. Après ces six années de responsabilité au sein du couvent, Benoît redemanda humblement à revenir à son modeste office de cuisinier de la communauté, et ses frères n’eurent pas le cœur de le lui refuser, bien qu’ils regrettassent un tel supérieur.

Le procès de béatification rapporte de nombreux miracles opérés en cette période par Benoît. Près du couvent, une femme nommée Eléonore qui portait son enfant âgé seulement de cinq mois fut écrasée par des chevaux. L’enfant en mourut. Les cris de la mère étaient si déchirants que les frères accoururent. Benoît demanda à la maman de donner le sein à l’enfant. Eléonore ne comprit pas et redoubla de sanglots. Sur l’insistance des frères qui connaissaient les étonnants miracles de Benoît, elle obéit. C’est alors que l’enfant revint à la vie en poussant de petits cris.

 

Quand Benoît passa les soixante ans, son état de santé se détériora à cause des nombreux jeûnes et mortifications qu’il s’imposait. Néanmoins, son visage rayonnait toujours de joie et de charité. Parfois même, une lumière spirituelle semblait émaner de lui. Un des frères franciscains témoigna au procès de canonisation : « Une nuit, je fus appelé par un frère qui voulait me faire voir comment, alors que Benoît priait à l’Eglise, une lumière de splendeur se dégageait de lui. J’y allai et je vis clairement et parfaitement ceci : aucune lumière n’était allumée au chœur ; malgré cela, tout cet endroit resplendissait. Nous ne pouvions attribuer à autre chose qu’à une lumière céleste cette splendeur. »[2]

Mais la fin de Benoît approchait. Un jour, alors qu’il était atteint d’une grave maladie et que les religieux pensaient que c’était la fin, il les rassura en prédisant que ce n’était pas ce jour que le Seigneur voulait le rappeler, mais que cela ne tarderait pas. Quand le jour arriva, il rassembla les religieux du couvent autour de lui et implora leur pardon. Non qu’il eût en soi des raisons sérieuses de craindre les reproches des siens, bien au contraire. Mais la moindre entorse à la charité fraternelle lui apparaissait extrêmement grave à cause de la grande délicatesse de son cœur et de son immense amour pour Dieu. Après avoir obtenu le pardon de ses frères, qui pleuraient une séparation si douloureuse, Benoît prononça ces mots : « Jésus, Marie, François », puis « in manus tuas, Domine, commendo spiritum meum » (en tes mains, Seigneur, je remets mon esprit). Puis il s’endormit doucement dans le Seigneur. Pendant que son âme s’envolait vers les demeures éternelles, une miraculeuse et très douce odeur flottait dans la pièce. C’était le 4 avril 1589 au soir du mardi de Pâques.[3]

Le lendemain de la mort et de la mise en terre de Benoît, la nouvelle se répandit dans Palerme. La route qui mène de la ville au couvent fut très vite emplie de monde. Le déferlement des foules sur le tranquille couvent allait de jour en jour croissant. Au-delà de Palerme, des pèlerinages spontanés venus de toute la Sicile puis de l’Italie entière, d’Espagne et du Portugal se mirent en branle. Des foules innombrables se ruaient sur le pauvre couvent sicilien. Pour répondre à la demande de reliques, les frères mirent en morceaux un habit qu’avait porté Benoît et en distribuèrent une quantité incroyable d’infimes fragments. Ce fut une succession de guérisons, de résurrections et autres miracles autour de la tombe du Saint. Benoît fut béatifié le 31 juillet 1743 et canonisé une soixantaine d’années plus tard, le 25 mai 1807, par le Pape Pie VII.

 


[1] Abbé Jean-Cyrille Sow, Fioretti de frère Benoît l’Africain. Petite histoire du premier homme noir canonisé, Préface du Cardinal Théodore Adrien Sarr, Archevêque de Dakar, Saint-Etienne 2012, 33.

[2] Idem, 89-90.

[3] Cf. Idem, 91-93.

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