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Le châtiment des péchés pardonnés

(Abbé Samson TAKPE)

 

Titre en apparence contradictoire, car si l’on a réellement pardonné un péché, comment châtier encore pour ce péché ? Et pourtant, il s’agit bien là d’une autre face de la miséricorde divine. En 2 Samuel 11-12, après le double péché de David, adultère couplé de meurtre, le Seigneur envoie le prophète Nathan lui dire : « Ainsi parle le Seigneur, le Dieu d’Israël, c’est Moi qui t’ai oint comme roi d’Israël et c’est Moi qui t’ai délivré de la main de Saül. Je t’ai donné la maison de ton maître, et j’ai mis dans tes bras les femmes de ton maître. Je t’ai donné la maison d’Israël et de Juda, et si c’est trop peu, je veux y ajouter autant. Pourquoi donc as-tu méprisé la parole du Seigneur en faisant ce qui lui déplaît ? Tu as frappé de l’épée Urie le Hittite, tu as pris sa femme pour en faire ta femme ; et lui-même, tu l’as tué par l’épée des fils d’Ammon. Eh bien, l’épée ne s’écartera jamais de ta maison puisque tu m’as méprisé et que tu as pris la femme d’Urie le Hittite pour en faire ta femme. Ainsi parle le Seigneur : Voici que je vais faire surgir ton malheur de ta propre maison. Je prendrai tes femmes sous tes yeux et je les donnerai à un autre. Il couchera avec tes femmes sous les yeux de ce soleil. Car toi tu as agi en secret, mais moi je ferai cela devant tout Israël et devant le soleil. » David dit alors à Nathan : « J’ai péché contre le Seigneur » Nathan dit à David : « Le Seigneur, de son côté, a passé sur ton péché. Tu ne mourras pas. Mais puisque dans cette affaire tu as gravement outragé le Seigneur, ou plutôt ses ennemis, le fils qui t’est né, lui, mourra. » (2S12,7-14). David se mit alors à jeuner et à se mortifier. Mais le septième jour, l’enfant meurt (v. 18).  Dans la suite de l’histoire en 2 Samuel 16,21-22 nous lisons : « Ahitofel dit à Absalom : ‘Va vers les concubines de ton père qu’il a laissées pour garder la maison. Ainsi tout Israël saura que tu t’es rendu insupportable à ton père, et le bras de tous tes partisans en sera fortifié.’ On monta alors pour Absalom une tente sur la terrasse et Absalom alla vers les concubines de son père sous les yeux de tout Israël. » C’est bien ce que le Seigneur avait annoncé. En somme, Dieu a pardonné le péché de David, pourtant le péché a été châtié.

Dans le premier livre des Rois au chapitre 21, après le double péché du roi Akhab, crime couplé de vol, le Seigneur envoie le prophète Elie lui dire : « Ainsi parle le Seigneur : A l’endroit où les chiens ont léché le sang de Naboth, les chiens lècheront aussi ton propre sang… » Quand Akhab entendit ces paroles, il déchira ses vêtements, se mit un sac à même la peau et jeûna ; il dormait sur ce sac et marchait à pas lents. La parole du Seigneur fut alors adressée à Elie le Tishbite : « As-tu vu comme Akhab s’est humilié devant moi ? Parce qu’il s’est humilié devant moi, je ne ferai pas venir le malheur durant ses jours… » (1R21,19.27-29). Dans la suite de l’histoire nous lisons qu’il y eut un combat où le roi fut grièvement blessé : « Le combat fut si violent ce jour-là qu’on dut laisser le roi dans son char en face d’Aram, mais le soir il mourut. Le sang de la blessure avait coulé au fond du char. Au coucher du soleil, ce cri passa dans le camp : chacun dans sa ville ! chacun dans son pays ! Tandis qu’on lavait à grande eau le char à l’étang de Samarie, et que les chiens y léchaient le sang d’Akhab, les prostituées s’y lavèrent, selon la parole que le Seigneur avait dite. » (1R22,35-38).

En définitive, Dieu a bien pardonné les péchés de David et d’Akhab suite à leur repentir, et pourtant ils ont été châtiés. La clé de compréhension de cette double réalité nous est fournie par la parole du prophète Nathan à David : « Le Seigneur, de son côté, a passé sur ton péché. Tu ne mourras. Mais puisqu’en cette affaire, tu as gravement outragé le Seigneur, ou plutôt ses ennemis, le fils qui t’est né, lui, mourra. » (2S12,13-14). Dans cette phrase, le verbe mourir apparaît deux fois. Mais il s’agit de deux morts différentes : d’une part la mort éternelle dont David est épargné, puis d’autre part la mort temporelle dont mourra son fils. Autrement dit, le pardon de Dieu nous épargne de la mort éternelle mais pas nécessairement des peines temporelles liées aux péchés, c’est-à-dire des souffrances d’ici-bas ou des tourments du purgatoire. C’est pourquoi Ben Sirac le Sage enjoint : « Comme devant un serpent, fuis devant le péché » (Si 21,2). On fait donc vachement preuve d’ignorance quand on se dit : « Je vais pécher puis demander pardon » ou « je vais le faire et aller me confesser » comme si la confession effaçait toutes les conséquences du péché. Mais non ! C’est comme un enfant qui renverse une poubelle et que sa mère s’apprête à taper. Il demande pardon et sa mère lui dit : « Je te pardonne, je ne te taperai plus, mais ramasse les ordures que tu as renversées ». Cette tape dont la mère s’est abstenue par suite de la demande de pardon de son enfant, c’est l’image de la mort éternelle méritée par nos péchés mais dont nous sommes épargnés en vertu des mérites de Jésus Christ moyennant la contrition et l’aveu de nos fautes. Les ordures à ramasser, ce sont les peines temporelles liées aux péchés.

Alors mon frère, ma sœur, si le péché a une telle force qu’il a fallu la mort du Fils de Dieu pour l’expier, comment peux-tu croire que tes péchés resteraient sans conséquence. Tu ne gagnes donc rien à pactiser avec le mal, à te lier d’amitié avec le péché. La miséricorde de Dieu et sa justice sont deux faces irréductibles et inséparables de son amour. C’est pourquoi Saint Paul nous dit : « Fuyez le mal avec horreur, attachez-vous au bien » (Romains 12,9).

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