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PERE ANDRE AFOUNANA, "BABA OLAANU" : UN PERE AU COEUR DE MERE (04-06-1936 / 25-05-2005)

Par Abbé Gaston  OGUI COSSI

Enseignant au séminaire 

Saint-Gall   de OUIDAH

 

 

Il y a des gens dont le souvenir s’est perdu ; ils sont morts, et c’est comme s’ils n’avaient jamais existé (…) Il n’en est pas ainsi des hommes de miséricorde, leurs œuvres de justice n’ont pas été oubliées. Leur bonheur durera autant que leur postérité, leurs descendants forment un bel héritage (Si 44, 9-10).

Bien qu’il nous ait longtemps préparés à ce moment fatidique de la douloureuse séparation, le Père André AFOUNANA BALLE, en rendant l’âme le 25 Mai 2005, vient de créer, dans l’Eglise du Bénin et spécialement dans le cœur de ses nombreux fils et filles spirituels, un vide immense. Merci à Dieu pour nous avoir donné et conservé, pendant 69 ans, cet homme valeureux, ce pasteur intrépide, ce prêtre au cœur de prophète.

Homme valeureux, ami et consolateur des affligés

Baba Olaanu ! C’est l’un des surnoms attribués au Père André AFOUNANA. Il est effectivement père des miséricordes, celui que nous pleurons aujourd’hui. Et ce n’est pas les habitants du pays Sha qui me contrediraient, eux qui ont fait l’expérience sensible du cœur maternel de cet homme valeureux.

 Il serait illusoire de croire qu’il soit possible d’énumérer toutes ses œuvres de miséricorde . le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles n’ont point de frontière ! D’une générosité légendaire, il se faisait tout à tous. Pasteur d’un peuple d’agriculteurs, il s’est fait paysan avec les paysans et chasseur avec les chasseurs. Faisait siennes les paroles de l’Apôtre des Gentils … Les mains que voici ont pourvu à mes besoins. Il mettait son honneur à s’autosuffire en tout point.

Il rivalisait d’ardeur et d’efficacité avec les plus braves paysans du milieu Sha où il avait exercé le plus long moment de son ministère de prêtre. Laborieux et quelque peu passionné, il accordait aux activités champêtres une dimension pareillement ludique ; il ne connaissait d’ailleurs pas d’autres loisirs que le champ et la chasse.

Mais en vérité, c’est par rapport aux affligés que cet homme valeureux s’est foncièrement révélé comme père des miséricordes. C’est vrai qu’il avait des dispositions naturelles à secourir un être en détresse. Originaire de Shakaloké, il jouissait d’un don naturel  pour soigner et guérir des factures ; mai il confirma ce don par sa passion  personnelle pour la médecine africaine qui occupa une place de choix dans son ministère spécialement à Bantè et dans les villages d’alentour. Lorsqu’un individu se faisait piquer par un scorpion ou mordre par un serpent, il sait que s’il parvenait vivant chez le père des miséricordes, il aura la vie sauve. C’est à lui que revenaient également les cas d’envoûtement et de possession. Aussi, fut-il confirmé, plus tard, dans ce rôle, cumulativement avec sa charge de Vicaire Général de Mgr Antoine GANYE, comme Exorciste diocésain.

Il ne connaissait ni jour ni nuit et ne donnait aucun repos à ses paupières tant qu’il y avait une détresse à soulager. Vivant au milieu d’une population pauvre et déshéritée, il a transformé sa 404 bâchée en ambulance pour sauver des vies humaines. Tous savaient, par conséquent, dans cette zone jadis sinistrée, qu’il n’y avait pas d’heures pour aller chez l’homme de Dieu. Il quittait ses repas, sacrifiait ses temps de sommeil, de jour comme de nuit, pour soulager la peine des autres. En un mot , il s’est littéralement abîmé par le travail et la compassion.

Homme averti, il savait que ce zèle ne devait durer qu’un instant : le temps d’une existence. C’est pour pérenniser sa mission auprès des pauvres et des affligés qu’il mit son point d’honneur à promouvoir de nombreuses vocations sacerdotales et religieuses.

Pasteur intrépide et père aux fils et filles nombreux

Baba Olaanu, le Père AFOUNANA l’était aussi auprès de la couche la plus frêle de la population. Le presbytère était, pour les enfants des pauvres, le second domicile. Il en recueillait à tour de bras, gardait ceux qu’il pouvait et plaçait les autres dans des pensionnats et centres de formation professionnelle. Etant lui-même grand travailleur champêtre, il ne se faisait aucun souci pour leur subsistance. Quant aux autres besoins usuels, il s’en remettait à la providence. Il était un homme de grande foi qui faisait entièrement confiance à la providence divine.

Autant, il avait foi en Dieu, autant il faisait confiance à l’homme . Il suscitait par sa vie et sa charité de nombreuses vocations à la vie religieuse et au ministère presbytéral. De plus , il accueillait volontiers tous les jeunes qui lui confiaient leur vocation. Il les formait à une vie de prière, les conduisait personnellement dans des maisons de formation et les accompagnait fidèlement de ses soins tout au long de leur parcours. Pour témoigner sa reconnaissance aux formateurs et ses fils et filles spirituels, il sillonnait tous les séminaires de notre pays pour offrir des vivres.

Bien que sa confiance fût quelquefois déçue, il est demeuré optimiste jusqu’à la fin de sa vie terrestre. Et comme Dieu sait toujours récompenser la foi et la confiance de l’homme, ce prêtre intrépide, véritable semeur de vocation, laisse derrière lui une multitude de prêtres et de religieuses, comme fils et filles spirituels qui mettront, eux aussi (du moins, nous l’espérons), leur fierté à poursuivre les œuvres de ce prêtre au cœur de prophète. 

Prêtre au cœur de prophète

“Baba olaanu”, le père AFOUNANA l’était aussi dans sa vision de prêtre. En effet il a été un prêtre- prophète. Hormis des œuvres de prédilection, c’était un prêtre qui rêvait grand pour l’Afrique en général et pour le Bénin en particulier. Il était persuadé que là où l’univers entier attend l’Afrique, c’est essentiellement dans la gestion de son patrimoine culturel. Ayant vécu très proche des personnes âgées, il connaissait sa culture de l’intérieur. Son intérêt, à ce sujet, se révéla déjà au cours de sa formation au sacerdoce. Déjà en 1963, après une retraite prêchée par Mgr Lucien Monsi Agboka au grand séminaire saint-Gall de Ouidah , le jeune Abbé écrivit son « Essai d’onomastique au Bas-Dahomey ».

Depuis lors , il ne cessa point de montrer son intérêt pour l’évangélisation de la culture dont il est issu. Sur le terrain pastoral , il devint la cheville ouvrière des chants en langue nationale et même du mouvement pour l’Inculturation dans l’aire culturelle yoruba. Ce fut sous son égide qu’eut lieu la toute première réunion officielle des prêtres de la partie nord du diocèse d’Abomey d’alors, sur l’Inculturation, à Savè, le 23 avril 1992. C’est au cours de cette réunion que le mouvement pour l’Inculturation, dans son instance Yoruba, prit le nom de Asha Ibilè confirmé à Sokponta, le 4 juin 1994, sous le titre complet de : Asha  Ibilè fun  Igbala. Ce faisant, le père André AFOUNANA a fait sienne cette parole prophétique de Mgr Lucien M. AGBOKA qui s’était un jour exclamé : « Et  si  nous  prenions  en  charge  notre  culture ! ». Oui , prendre en charge sa culture, c’est prendre en charge l’homme ; et prendre en charge l’homme, c’est prendre en charge l’Eglise dans son présent et son avenir .

Ce prêtre au cœur de prophète est également convaincu qu’une œuvre de cette ampleur ne saurait s’effectuer à huis clos ; d’où ses larges ouvertures sur la culture fon mais surtout sur la grande et riche culture Yoruba du Nigeria. Aucune des grandes villes de ce grand pays n’est un mystère pour cet homme de grande culture orale et écrite. C’est auprès de lui que l’on trouve les publications les plus récentes sur la culture Yoruba du Nigeria qu’il compare à elle du Bénin, toujours dans le souci d’une Inculturation vivante et dynamique.

Nous n’avons aucune compétence pour crier à la manière de la foule amarrée à la place Saint-Pierre lors du rappel à Dieu du Pape Jean –Paul Π : « Santo subito ! » Mais nous estimons très modestement que le clergé béninois a , en la personne de cet homme de Dieu, un modèle de prêtre pour ce siècle.

Que par l’intercession de Marie, la mère du sacerdoce, il entre dans la joie de son Maître et devienne notre avocat auprès du Père dans la puissance de l’Esprit-Saint .

Abbé Gaston OGUI COSSI

Enseignant au séminaire 

Saint-Gall de OUIDAH

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