Le secret de la prière efficace

(Abbé Samson TAKPE)

 

Commençons par faire une différence entre la prière et les prières. Plus qu’un simple passage du singulier au pluriel, il s’agit ici d’une différence essentielle. Différence capitale dans la mesure où on peut dire des prières sans faire la prière et que la prière n’a pas nécessairement besoin des prières. Les prières, ce sont les formules qui nous aident à prier (le Notre Père, l’ave Maria, les psaumes, etc.) tandis que la prière, c’est le contact spirituel avec Dieu. Si prier consistait à réciter des formules, l’invitation « priez sans cesse » (1Th5,17 / cf. Lc 18,1 / Lc 21,36) serait pure utopie, puisqu’on ne saurait réciter indéfiniment des formules. Par contre, le contact spirituel avec Dieu peut être constamment renouvelé et maintenu. La prière commence donc avec la mise en présence de Dieu, la certitude de son regard. Sans cette assurance de la présence de Dieu tout le reste est presqu’inutile. D’où l’importance de cette invitation très utilisée dans les monastères, les séminaires et les communautés religieuses : « Mettons-nous en présence du Seigneur – Et adorons son Saint Nom ».

Sachez pourtant que la mise en présence de Dieu n’est ni une question de parole ni une question de geste, mais un regard de l’âme, un mouvement de l’esprit, une certitude du cœur. Car « Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent doivent l’adorer en esprit et en vérité » (Jn 4,24). « Tels sont en effet les adorateurs que cherchent le Père » (Jn 4,23).

Nos Pères dans la foi n’avaient pas d’autre dévotion que de marcher en présence de Dieu, et ils obtenaient de Lui tout ce qu’ils voulaient. En Gn 17,1 en effet, Dieu dit à Abraham : « Marche en ma présence ». Mais au fil des siècles cette dévotion sera perdue de vue. Alors pour nous la rappeler, Dieu, s’incarnant à la plénitude des temps, prend comme nom « Emmanuel », c’est-à-dire « Dieu-avec-nous ».

La prise de conscience de la présence de Dieu suffit à elle seule pour opérer des merveilles. Cela me rappelle le témoignage d’un frère qui était allé à une mission d’évangélisation. L’annonce fut faite dans la puissance de l’ESPRIT SAINT mais suscita beaucoup d’hostilités de la part des adeptes de certaines religions endogènes. Ceux-ci se munirent alors de gourdins, de machettes, de fusils et telle une armée rangée en bataille, se mirent en marche vers la maison de l’évangélisateur pour en finir avec lui. « J’étais assis au salon, raconte le frère, quand je les vis arriver. Alors j’entrai en moi-même et proclamai ‘Jésus est avec moi’. Alors toute l’armée pénétra dans la maison, fouilla tous les coins et recoins renversant tables et chaises à ma recherche. Tandis que moi tout tranquille, n’ayant même pas cherché à me cacher, je les regardais faire. Quand ils eurent terminé, ils sortirent tout désespérés en se disant l’un à l’autre : « Il a chance ! il a chance, car s’il était à la maison, nous l’aurions découpé en morceaux. Alors que j’étais bien là. Mais le Ressuscité m’avait caché dans ses plaies. » Alleluia ! Emmanuel est vivant !

Alors chers frères et sœurs, s’établir dans la présence de Dieu est le seul gage de la victoire et le secret de toute prière efficace. Cette présence divine peut être réalisée de diverses manières : Vous pouvez vous représenter Dieu à côté de vous ou autour de vous ou, mieux encore, au-dedans de vous, car Il est vraiment là. « Vous êtes la maison de Dieu », nous dit Saint Paul (1Co3,16). Vous êtes Béthel. Entrez donc en vous-même et dites-vous comme Jacob : « Vraiment le Seigneur est ici ! » Gn 28,16.

Tant que vous n’aurez pas réalisé cette présence de Dieu, n’allez pas plus loin avec quelque formule que ce soit. Autrement, comme les Apôtres sur le lac de Génésareth (cf. Lc5,1-11) ou sur la mer de Tibériade (cf. Jn21,1-11), vous passerez « toute la nuit sans rien prendre ». Tandis que si le Maître est là, vos filets seront pleins à craquer. C’est-à-dire que votre prière portera du fruit en abondance, trente pour un, soixante pour un, cent pour un. Parce qu’Il vous aura devancé, « Celui qui peut faire au-delà, infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons demander ou même imaginer » (Ep 3,20). C’est aussi dans ce sens que l’on peut comprendre cette promesse du Seigneur par la bouche du prophète Isaïe : « Avant même qu’ils appellent, moi je leur répondrai » (Is 65,24). Parce que la seule présence de Dieu suffit pour accomplir tous les prodiges. Bien sûr que Dieu est partout présent, mais autre chose est de prendre conscience de cette présence et de s’y établir pour qu’elle nous environne et opère dans notre vie. Et c’est cela, prier en tout temps : penser constamment à Dieu avec amour, demeurer dans l’esprit en sa présence, laisser son regard nous transformer et établir un rempart autour de nous.

Chers amis, si vous avez suivi cet enseignement jusqu’au bout, alors vous comprenez l’une des raisons pour lesquelles tant de prières ont si peu d’effet : il y a eu beaucoup de prières mais il a manqué la prière. Vous comprenez aussi pourquoi contrairement aux louanges de Paul et Silas en Actes 16, 25-34, tant de louanges n’ont pu ouvrir les portes de nos prisons spirituelles ni sauter les entraves des prisonniers. De fait il y a eu beaucoup de louanges, mais il a manqué le contact préalable avec Celui à qui elles étaient destinées. Car toute prière efficace commence à Béthel.

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