Coronavirus / L’heure des vrais adorateurs: 3- L’incendie d’amour

(Abbé Samson TAKPE)

 

L’exercice de la présence de Dieu, tel qu’expliqué dans le premier enseignement, nous aide à grandir dans la foi, car la foi en la présence de Dieu en est le principe moteur. Le bain de miséricorde, tel qu’expliqué dans le deuxième exposé, nous aide à grandir dans l’espérance, car l’espérance en la miséricorde de Dieu en est le principe moteur. Mais à quoi servirait-il de grandir dans la foi et dans l’espérance si l’on ne grandit pas dans l’amour ? Saint Paul ne dit-il pas : « S’il me manque l’amour, je ne suis rien » ? (1 Co 13, 2). C’est pourquoi l’oraison pascale, contemplation du mystère pascal du Christ, qui sera expliquée dans ce troisième enseignement, nous aidera à grandir dans la charité, étant donné que l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ en est le principe moteur.

Cette distinction des vertus théologales en fonction des exercices spirituels ne doit pas nous faire croire que dans l’exercice de la présence de Dieu il n’y avait que la foi tandis que l’espérance et la charité étaient absentes ; ou que dans le bain de miséricorde il n’y avait que l’espérance tandis que la foi et la charité étaient absentes ; ou encore que dans l’incendie d’amour il n’y aura que la charité, tandis que la foi et l’espérance seront absentes, NON ! Car comme l’explique le Père Philippe Ferlay, dans son ouvrage « Les vertus théologales : Foi – Espérance – Charité », les trois forment une « unité vivante ».[1]

Pour commencer : Pourquoi parlons-nous ici d’incendie d’amour ? Les mystiques et les Saints ont généralement exprimé l’union avec Dieu avec les métaphores du feu. L’expression « incendie de l’amour » est de Saint Bonaventure. Ce qui m’a aidé à la comprendre et à la préférer à d’autres terminologies comme « étincelle d’amour », « flamme d’amour », « feu d’amour », c’est l’expérience que nous faisions quand nous allions au champ. Pour avoir le feu, il fallait trouver des bois bien secs et des herbes bien sèches, puis s’aider d’une buchette d’allumette. Ensuite, il fallait entretenir ce feu, en raviver l’ardeur et la flamme au moyen d’un éventail ou de quelques gouttes de pétrole. Quand les herbes et les bois ne sont pas bien secs, c’était peine perdue ! Paradoxalement, quand il y avait un incendie, même nos plantations d’acajou qui étaient toutes vertes ainsi que les forêts vertes qui nous entouraient étaient toutes ravagées et consumées par le feu. Alors je me suis dit que les saints qui se sont longtemps exercés à la méditation, aux mortifications et aux austérités se sont tellement bien disposés qu’une seule étincelle de l’amour divin suffit pour qu’ils soient consumés d’amour. Et si le feu s’étiole, il leur suffit de recourir encore à l’ascèse, à la mortification pour le rallumer, un peu comme nous utilisions l’éventail ou le pétrole. Par contre, quelqu’un comme moi dont le cœur est constamment en proie au doute et à l’impatience, dont les passions ne sont pas encore bien mortifiées, et qui me débats encore dans les péchés mortels, il n’en faudra pas moins qu’un INCENDIE pour me faire prendre feu. J’ai donc préféré l’expression de Saint Bonaventure pour exprimer ce à quoi l’on aspire dans l’exercice de l’oraison pascale.

Alors, puisque c’est d’un incendie d’amour qu’on a besoin, il faut aller là où l’amour de Dieu se manifeste au plus haut point, à savoir dans le Mystère pascal du Christ, c’est-à-dire sa Passion-Mort-Résurrection, car comme le dit Notre Seigneur : « Il n’y a pas d’amour plus grand que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » (Jean 15, 13). Aller directement au Mystère pascal du Christ rejoint d’ailleurs ce que la Sainte Vierge disait à Sainte Faustine :  „Fixe tes regards sur la Passion de Mon Fils »[2] Le Saint Ermite François de Paule, dont mémoire est faite le 2 avril, lance la même invitation: "Fixez donc votre esprit sur la Passion de Notre Seigneur Jésus Christ!" (Lettre de S. François de Paule (1486), in : La Liturgie des heures 2, Paris 2010, p. 1291). Jésus Lui-même confirme : « Une heure de méditation sur Ma douloureuse Passion a un plus grand mérite, que toute une année de flagellation jusqu’au sang. La considération de Mes Plaies douloureuses est d’un grand profit pour toi et Me procure une grande joie. »[3] Et plus loin : " Il y a peu d’âmes qui méditent avec une véritable compassion. J’accorde de grandes grâces aux âmes, qui méditent pieusement Ma Passion. "[4]

Sans commentaire, tout ce que nous avons donc à faire, c’est de contempler pieusement l’Amour qui s’immole pour nous dans les pires humiliations et les pires douleurs de sa Passion-Mort-Résurrection puis de nous laisser incendier par son amour. En effet :

Comment ne pas aimer celui qui pour nous fut à Gethsémani saisi d’une telle angoisse que sa sueur devint comme des caillots de sang qui tombaient à terre (Luc 22, 44) ? A ce propos, la Bienheureuse Anne Catherine Emmerich relate qu’après que le Seigneur eut dit à ses Apôtres : « Mon âme est triste à en mourir. Demeurez ici et veillez avec moi » et se fut éloigné d’eux (Mt 26, 38), de terribles visions l’assaillirent, un large cercle d’images effrayantes qui se resserrait de plus en plus, sa tristesse et son angoisse croissaient ; il se retira tout tremblant dans une grotte afin d’y prier, semblable à un homme qui cherche un abri, mais les visions menaçantes l’y poursuivirent et devinrent de plus en plus distinctes. Cette étroite caverne semblait renfermer l'horrible spectacle de tous les péchés commis depuis la première chute jusqu'à la fin du monde, et celui de leur châtiment. Ainsi laissé tout entier à sa seule humanité, implorant Dieu avec une tristesse et une angoisse inexprimables, le Sauveur tomba sur son visage, et tous les péchés du monde lui apparurent sous des formes infinies avec toute leur laideur intérieure : il les prit tous sur lui, et s'offrit, dans sa prière, à la justice de son Père céleste pour payer cette effroyable dette. Mais Satan, qui, sous une forme effrayante, s'agitait au milieu de toutes ces horreurs avec un rire infernal, montrait une fureur toujours croissante et faisait passer devant son âme des tableaux de plus en plus affreux. Le reste de la grotte était plein d'affreuses visions de nos crimes et de mauvais esprits qui insultaient et assaillaient Jésus. Le Seigneur se tordait comme un ver sous le poids de sa douleur et de ses angoisses. Je vis la caverne autour de lui remplie de formes effrayantes ; je vis tous les péchés, toute la méchanceté, tous les vices, tous les tourments, toutes les ingratitudes qui l'accablaient : les épouvantements de la mort, la terreur qu'il ressentait comme homme à l'aspect de ses souffrances expiatoires le pressaient et l'assaillaient sous la forme de spectres hideux. Il tombait çà et là, se tordait les mains, la sueur le couvrait, il tremblait et frémissait. Des anges vinrent lui montrer dans des séries de visions tout ce qu'il devait embrasser de douleurs afin d'expier le péché ; Ils lui montrèrent dans la satisfaction qu'il devait donner à la justice divine, une souffrance du corps et de l'âme comprenant toutes les peines dues à la concupiscence de l'humanité tout entière. Aucune langue ne peut exprimer quelle épouvante et quelle douleur vinrent fondre sur l'âme de Jésus à la vue de ces terribles expiations ; l'horreur de cette vision fut telle qu'une sueur de sang sortit de son corps. Je vis le sang rouler en larges gouttes sur le pâle visage du Sauveur.[5]

Comment ne pas aimer Celui qui pour nous accepta d’être trahi et renié par ses amis ? « Il parlait encore quand survint une troupe. Celui qu’on appelait Judas, un des Douze, marchait à sa tête ; il s’approcha de Jésus pour lui donner un baiser. Jésus lui dit : « Judas, c’est par un baiser que tu livres le Fils de l’Homme ! » (Luc 22,47-48). « Et tous l’abandonnèrent et prirent la fuite. Un jeune homme le suivait, n’ayant qu’un drap sur le corps. On l’arrête, mais lui, lâchant le drap, s’enfuit tout nu. » Marc 14,50-52. Quant à Pierre, il se mit à jurer avec des imprécations : « Je ne connais pas cet homme ! » (Mt 26,74), « Je ne sais pas et je ne comprends pas ce que tu veux dire » (Mc 14,68), « Je ne connais pas l’homme dont vous me parlez ! »  (Mc 14,71).

Comment ne pas aimer Celui qui pour nous au Sanhédrin fut bafoué et maltraité ? L’Evangéliste relate en effet : « Quelques-uns se mirent à cracher sur lui, à lui couvrir le visage, à lui donner des coups et à lui dire : « Fais le prophète ! » Et les serviteurs le reçurent avec des gifles. (Mc 14, 65).

Comment ne pas aimer le Juste à qui fut préféré un meurtrier et dont tous réclamèrent la mort après qu’il eut passé trois ans parmi eux à faire le bien, à guérir, à consoler, à enseigner ? « Pilate demanda à la foule : qui voulez-vous que je vous relâche, Barabbas ou Jésus qu’on appelle Messie ? … Ils répondirent : « Barabbas ». Pilate leur demanda : « Que ferai-je donc de Jésus, qu’on appelle Christ ? Ils répondirent tous : « Qu’il soit crucifié ! » (Mt 27,15-26). Pilate relâcha donc Barabbas qui était un brigand, jeté en prison pour émeute et meurtre. « Quant à Jésus, après l’avoir fait flageller, il le livra pour qu’il soit crucifié. » (Mt 27,26).

Comment ne pas aimer Celui qui pour nous fut cruellement flagellé par des bourreaux drogués et possédés ? La Bienheureuse Anne Catherine Emmerich raconte : Ces hommes cruels avaient déjà attaché à cette même colonne et fouetté jusqu’à la mort de pauvres condamnés. Ils ressemblaient à des bêtes sauvages ou à des démons, et paraissaient à moitié ivres… Jésus embrassa la colonne ; les archers lièrent ses mains élevées en l'air derrière l'anneau de fer qui y était figé, et tendirent tellement ses bras en haut, que ses pieds, attachés fortement au bas de la colonne, touchaient à peine la terre. Le Saint des Saints, dans sa nudité humaine fut ainsi étendu avec violence sur la colonne des malfaiteurs, et deux de ces furieux, altérés de son sang, commencèrent à flageller son corps sacré de la tête aux pieds. Notre Sauveur, le Fils de Dieu, vrai Dieu et vrai homme, frémissait et se tordait comme un ver sous les coups de ces misérables ; Je vis d'infâmes jeunes gens presque nus, qui préparaient des verges fraîches près du corps de garde, d'autres allaient chercher des branches d'épine. Au bout d'un quart d'heure, les deux bourreaux qui flagellaient Jésus furent remplacés par deux autres. Le corps du Sauveur était couvert de taches noires, bleues et rouges, et son sang coulait par terre ; il tremblait et son corps était agité de mouvements convulsifs. Les injures et les moqueries se faisaient entendre de tous côtés. Le second couple de bourreaux tomba avec une nouvelle rage sur Jésus ; ils avaient une autre espèce de baguettes ; c'étaient comme des bâtons d'épines avec des nœuds et des pointes. Leurs coups déchirèrent tout le corps de Jésus ; son sang jaillit à quelque distance, et leurs bras en étaient arrosés. Jésus gémissait, priait et tremblait. De nouveaux bourreaux frappèrent Jésus avec des fouets : c'étaient des lanières au bout desquelles se trouvaient des crochets de fer qui enlevaient des morceaux de chair à chaque coup. Leur rage n'était pourtant pas encore satisfaite : ils délièrent Jésus et l'attachèrent de nouveau, le dos tourné à la colonne. Comme il ne pouvait plus se soutenir, ils lui passèrent des cordes sur la poitrine, sous les bras et au-dessous des genoux, et attachèrent aussi ses mains derrière la colonne. Tout son corps se contractait douloureusement : il était couvert de sang et de plaies. Alors ils fondirent de nouveau sur lui comme des chiens furieux. L'un d'eux tenait une verge plus déliée, dont il frappait son visage. Le corps du Sauveur n'était plus qu'une plaie ; il regardait ses bourreaux avec ses yeux pleins de sang ; mais leur rage redoublait, et les gémissements de Jésus devenaient de plus en plus faibles. L'horrible flagellation avait duré près de trois quarts d'heure. Jésus tomba presque sans connaissance au pied de la colonne sur la terre toute baignée de son sang. Les exécuteurs le laissèrent là, s'en allèrent boire, et appelèrent des valets de bourreau, qui étaient occupés dans le corps de garde à tresser la couronne d'épines.[6]

Comment ne pas aimer Celui qui pour nous par dérision a été couronné d’épines, une couronne faite de joncs épineux avec des pointes fortes et aiguës, enfoncée avec tant de violence que plusieurs épines pénétrèrent jusqu’au crâne, à tel point que les yeux du Sauveur furent inondés de sang ?[7]

Comment ne pas aimer Celui qui a porté la lourde Croix de nos péchés ? La Bienheureuse Anne Catherine Emmerich raconte : Enfin s'avançait Notre Seigneur, les pieds nus et sanglants, courbé sous le pesant fardeau de la croix, chancelant, déchiré, meurtri, n'ayant ni mangé, ni bu, ni dormi depuis la Cène de la veille, épuisé par la perte de son sang, dévoré de fièvre, de soif, de souffrances intérieures infinies. Ses mains étaient blessées et gonflées par suite de la brutalité avec laquelle elles avaient été garrottées, précédemment, son visage était sanglant et enflé, sa chevelure et sa barbe souillées de sang ; son fardeau et ses chaînes pressaient sur son corps son vêtement de laine, qui se collait à ses plaies et les rouvrait. Autour de lui, ce n'était que dérision et cruauté.[8]

Comment ne pas aimer Celui qui pour nous a été crucifié ? La mystique poursuit son récit : Jésus, image vivante de la douleur, fut étendu par les archers sur la croix où il était allé se placer de lui-même. Ils le renversèrent sur le dos, et, ayant tiré son bras droit sur le bras droit de la croix, ils le lièrent fortement, puis un d'eux mit le genou sur sa poitrine sacrée ; un autre tint ouverte sa main qui se contractait ; un troisième appuya sur cette main un gros et long clou et frappa dessus à coups redoublés avec un marteau de fer. Un gémissement doux et clair sortit de la bouche du Sauveur : son sang jaillit sur les bras des archers. Les liens qui retenaient la main furent déchirés et s'enfoncèrent avec le clou triangulaire dans l'étroite ouverture. Lorsque les bourreaux eurent cloué la main droite du Sauveur, ils s'aperçurent que sa main gauche, qui avait été aussi attachée au bras de la croix, n'arrivait pas jusqu'au trou qu'ils avaient fait et qu'il y avait encore un intervalle de deux pouces entre ce trou et l'extrémité de ses doigts : alors ils attachèrent une corde à son bras gauche et le tirèrent de toutes leurs forces, en appuyant les pieds contre la croix, jusqu'à ce que la main atteignît la place du clou. Jésus poussa des gémissements touchants : car ils lui disloquèrent entièrement les bras. Ses épaules violemment tendues se creusaient, on voyait aux coudes les jointures des os. Mais il se trouva que les pieds non plus n'atteignaient pas jusqu'au morceau de bois placé pour les soutenir. Alors les archers se mirent en fureur ; “Il ne veut pas s'allonger, disaient-ils, nous allons l'aider”. Alors ils attachèrent des cordes à sa jambe droite et la tendirent violemment jusqu'à ce que le pied atteignît le morceau de bois. Il y eut une dislocation si horrible, qu'on entendit craquer la poitrine de Jésus, et qu'il s'écria à haute voix : “O mon Dieu ! O mon Dieu !” Ce fut une épouvantable souffrance. Ils prirent un clou beaucoup plus long que ceux des mains, le plus horrible qu'ils eussent, l'enfoncèrent à travers la blessure faite au pied gauche, puis à travers le pied droit jusque dans le morceau de bois et jusque dans l'arbre de la croix. Cette opération fut plus douloureuse que tout le reste à cause de la distension du corps. Ils élevèrent la croix et poussèrent le pied jusqu'au trou, qu'on avait creusé pour elle, et où elle s'enfonça de tout son poids avec une terrible secousse. Jésus poussa un cri de douleur, tout le poids de son corps pesa verticalement, ses blessures s'élargirent, son sang coula abondamment et ses os disloqués s'entrechoquèrent.[9]

Comment ne pas aimer Celui qui pour nous souffrit une soif mortelle ? « Jésus souffrait horriblement de la soif, car les blessures faites par sa barbare flagellation lui avaient donné la fièvre, et il frissonnait ; sa chair était déchirée jusqu'aux os, sa langue était retirée, et le sang sacré qui coulait de sa tête rafraîchissait seul sa bouche brûlante et entrouverte. »[10]

Comment ne pas aimer Celui qui pour nous est mort en demandant pardon pour ses bourreaux que nous sommes ? Comment ne pas aimer Celui qui pour nous a été transpercé ? Anne Catherine commente : L'officier inférieur Cassius, appelé plus tard Longin, saisit sa lance et dirigea vivement son cheval vers la petite élévation où se trouvait la croix. Je le vis s'arrêter devant la fente du rocher, entre la croix du bon larron et celle de Jésus. Alors, prenant sa lance a deux mains, il l'enfonça avec tant de force dans le côté droit du Sauveur, que la pointe alla traverser le cœur et ressortit un peu sous la mamelle à gauche. Quand il la retira avec force, il sortit de la blessure du côté droit une grande quantité de sang et d'eau, qui arrosa son visage comme un fleuve de salut et de grâce.[11]

***

Après ce bref commentaire de la Passion, abordons succinctement la méthode de l’oraison pascale. Elle ne diffère pas beaucoup de celle du bain en profondeur indiquée dans l’enseignement numéro 2 de cette série. La différence essentielle est qu’au lieu de scruter notre vie, on contemple Celui qui offrit la sienne pour nous. Et pour cet exercice, 30 à 60 minutes suffisent. Mais on peut en faire plus. Le temps donné à Dieu n’est jamais perdu. Dans notre enseignement intitulé « guérison par la dîme », nous avions déjà montré la nécessité de donner chaque jour au Seigneur la dîme de notre temps. Si les moines de Shaolin s’entraînent jusqu’à 10 heures par jour pour acquérir des performances corporelles, ne pourrions-nous pas, nous, pour notre salut éternel, consacrer la dîme de notre temps à Dieu dans la prière ? Bref, pendant les 30 à 60 minutes :

1. On se met en présence de Dieu par un acte de foi et d’adoration profonde (tel que décrit dans l’exposé numéro 1) et on invoque son Esprit d’amour. On demande aussi à la Sainte Vierge Marie de nous accompagner dans cette contemplation où elle nous a devancés et nous sert de modèle.

2. On fait dérouler devant les yeux de notre esprit les scènes de la Passion et de la Mort de Notre Seigneur Jésus Christ telles que décrites dans les Evangiles et les stations du Chemin de Croix. Au fur et à mesure de cette contemplation, on compatit à la douleur du Seigneur, en sachant que c’est en réalité nous qui sommes ses bourreaux par nos péchés. Cela doit susciter en nous un repentir sincère et une ferme résolution de ne plus l’offenser.

3. A la fin, on peut réciter un acte de contrition. On peut aussi offrir au Père les mérites de la Passion et de la Mort de son Fils, en utilisant par exemple les mots du chapelet de la Divine Miséricorde révélé à Sainte Faustine : « Père Éternel, je T’offre le Corps et le Sang, l’Âme et la Divinité de Ton Fils bien-aimé, Notre-Seigneur Jésus-Christ, en réparation de mes péchés et de ceux du monde entier ; par Sa douloureuse passion, aie pitié de moi et du monde entier ». Enfin, on peut faire une communion spirituelle. La communion spirituelle exige un acte de foi, d’espérance et de charité. Je ne parle pas ici des formules de prières connues sous le nom d’acte de foi, acte d’espérance et acte de charité, mais d’attitudes intérieures. Pour l’acte de foi, il faut croire que Jésus est présent dans la Sainte Eucharistie et qu’IL peut aussi se communiquer à nous sans elle, comme IL veut. Pour l’acte d’espérance, il faut Le désirer vivement et L’inviter à venir en notre âme. Pour l’acte de charité, il faut L’accueillir avec amour et lui rendre grâces. La formule suivante peut résumer ces trois actes : Mon Jésus, je crois que vous êtes présent dans la Sainte Eucharistie, je crois aussi que vous pouvez vous communiquer à moi sans elle. Je désire ardemment vous recevoir et m’unir à vous, mais puisque je ne peux le faire sacramentellement, je vous prie de venir spirituellement en mon âme. (Un temps de silence pour l’accueil) Merci Jésus d’être là. Je t’aime !

***

Conclusion

En conclusion à ce long parcours sur l’adoration en esprit et en vérité, il faut souligner que c’est Dieu Lui-même qui façonne ses adorateurs. Tout ce qu’IL attend de nous, c’est que nous nous disposions à sa grâce. C’est cette mise à disposition que les moyens indiqués dans ce triple enseignement veulent favoriser. Mais ils ne sont que des suggestions. Le plus important est que chacun se laisse guider intérieurement par l’Esprit Saint qui a pour chaque âme un chemin unique, car il n’y a pas deux âmes dont les chemins de sanctification soient identiques.

Une remarque importante : Afin de nous aider à la contemplation des souffrances du Seigneur rapportées dans les Saintes Ecritures, nous avons fait recours aux révélations privées reçues par la mystique allemande la Bienheureuse Anne Catherine Emmerich, révélations explicitement mentionnées par le Pape Jean-Paul II dans le procès officiel de sa béatification, où il parle de « l'œuvre de la Providence divine » dans la vie de « la célèbre Mystique du Land de Münster », « La Bienheureuse Anna Katharina Emmerick, [qui] a crié la passion douloureuse de Notre Seigneur Jésus Christ et … l'a vécue dans son corps. »[12] Mais nous voudrions ici rappeler la position officielle de l’Eglise Catholique par rapport à tout ce qui est révélation privée : « Au fil des siècles il y a eu des révélations dites « privées », dont certaines ont été reconnues par l’autorité de l’Eglise. Elles n’appartiennent cependant pas au dépôt de la foi. Leur rôle n’est pas d’« améliorer » ou de « compléter » la Révélation définitive du Christ, mais d’aider à en vivre plus pleinement à une certaine époque de l’histoire. Guidé par le Magistère de l’Eglise, le sens des fidèles sait discerner et accueillir ce qui dans ces révélations constituent un appel authentique du Christ ou de ses saints à l’Eglise. »[13]

Face à ces instructions, la juste attitude serait peut-être de considérer les visions de la Passion, non comme des révélations, mais comme des méditations inspirées. Dans le prochain exposé, nous aborderons le thème du « Golgotha intérieur » qui résume toutes les pratiques indiquées dans cet enseignement. Car les vrais adorateurs se tiennent avec Marie au pied de la Croix Jésus (cf. Jean 19,25-27). Et au pied du Crucifié, ils comprennent ce qui suit :

  1. Jésus Christ est l’Unique Vrai Adorateur du Père en qui tout Homme qui prétend adorer le Père doit L’adorer. Son Cœur est le Lieu de la vraie adoration du Père.
  2. Cette adoration comporte nécessairement un renoncement à soi et une acceptation de la Croix.
  3. L’Eglise et Marie nous introduisent dans le Cœur transpercé du Crucifié où nous pouvons adorer le Père, moyennant l’Esprit du Fils qui nous est donné.
  4. L’Eglise le fait au moyen des sacrements. Marie le fait moyennant notre relation d’amour avec son Fils et notre compassion pour elle. Cette action conjointe de l’Eglise et de Marie est nécessaire.
  5. La fin ultime de cette dévotion est que Jésus Christ soit formé en nous (cf. Ga 4,19) et que nous parvenions « à la taille du Christ dans sa plénitude » (Ep 4,13).

 

Après avoir compris ce qui précède, ils ressentent un double appel :

Le vrai adorateur est invité à se tenir en esprit, comme le disciple bien-aimé, avec Marie au pied de la Croix de Jésus pour Le contempler. Pour ce, il doit prendre Marie « chez lui » (Jn 19,27), dans la maison de son cœur, ou encore selon la spiritualité de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, se recueillir en Marie, Golgotha mystique, où le Crucifié est encore plus présent que sur le Mont Calvaire, pour contempler avec elle Jésus Crucifié et être introduit en son Divin Cœur.

Ces temps de confinement nous invitent à faire de nos maisons d’ardents cénacles où, comme les Apôtres, tous unanimes, nous persévérions dans la prière avec Marie la Mère de Jésus (cf. Actes 1,14) pour une nouvelle Pentecôte. Mais cette nouvelle Pentecôte partira du dedans. Elle suscitera des cœurs de feu, transpercés dans la contemplation du Crucifié. Alors, quand nos cénacles intérieurs auront été embrasés, le Feu de l’Amour de Dieu se propagera au dehors, embrasant familles et institutions, langues, peuples et nations jusqu’aux confins de la terre.

 

 

Bibliographie

 

Anne Catherine Emmerich, La douloureuse Passion De Notre Seigneur Jésus-Christ, Wroclaw 2018.

Catéchisme de l’Eglise Catholique, Paris 1998.

Lettre de S. François de Paule (1486), in : La Liturgie des heures 2, Paris 2010.

Philippe Ferlay, Les vertus théologales : Foi – Espérance – Charité, Paris 1991.

Sœur M. Faustine Kowalska, Petit Journal, Paris 2010.

 

 

 


[1] Philippe Ferlay, Les vertus théologales : Foi – Espérance – Charité, Paris 1991, passim.

[2] Sœur M. Faustine Kowalska, Petit Journal, Paris 2010, n° 448.

[3] Ibidem, n° 368.

[4] Ibidem, n° 736.

[5] Anne Catherine Emmerich, La douloureuse Passion De Notre Seigneur Jésus-Christ, Wroclaw 2018, p. 51-65 (abrégé : La Douloureuse Passion).

[6] Cf. La Douloureuse Passion, p. 149-152.

[7] Cf. La Douloureuse Passion, p. 166.

[8] Cf. la Douloureuse Passion, p. 182-183.

[9] Cf. La Douloureuse Passion, p. 205-206.

[10] Cf. La Douloureuse Passion, p. 167.

[11] Cf. La Douloureuse Passion, p. 239.

[12] « La Bienheureuse Anna Katharina Emmerick, a crié "la passion douloureuse de Notre Seigneur Jésus Christ" et elle l'a vécue dans son corps. C'est l'œuvre de la Providence divine si cette fille de pauvres paysans, qui avec ténacité rechercha la proximité avec Dieu, est devenue la célèbre "Mystique du Land de Münster". Sa pauvreté matérielle contraste avec une riche vie intérieure. Outre sa patience pour supporter la faiblesse physique, nous sommes également impressionnés par la force de caractère de la nouvelle bienheureuse et sa fermeté dans la foi. Elle tirait cette force de la Très Sainte Eucharistie. Son exemple a ouvert le cœur de pauvres et de riches, de personnes simples ou éduquées à la consécration pleine d'amour pour Jésus Christ. Aujourd'hui encore, elle transmet à tous le message salvifique :  A travers les blessures du Christ, nous sommes sauvés (cf. 1 P 2, 24). » (Cf. Jean-Paul II, Homélie pour la béatification de cinq serviteurs de Dieu, Chapelle Papale, dimanche 3 octobre 2004, n° 5).

[13] Catéchisme de l’Eglise Catholique, n° 67.

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