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Coronavirus / l’heure des vrais adorateurs: 1- L’exercice de la présence de Dieu

(Abbé Samson TAKPE)

 

Dans l’Evangile de Luc au chapitre 12 versets 54 à 56, Jésus disait à la foule : « Quand vous voyez un nuage monter au couchant, vous dites aussitôt qu’il va pleuvoir, et c’est ce qui arrive. Et quand vous voyez souffler le vent du sud, vous dites qu’il fera très chaud, et cela arrive. Esprits faux ! l’aspect de la terre et du ciel, vous savez le juger, mais le temps où nous sommes, pourquoi ne savez-vous pas le juger ? »

Cette parole de Jésus nous invite à reconnaître les signes des temps. Depuis novembre ou décembre 2019 une pandémie a fait son apparition et a envahi notre monde. Il s’agit de la pandémie du coronavirus. Ce qui nous préoccupe ici est que par précaution les Eglises sont fermées et les célébrations communautaires suspendues jusqu’à nouvel ordre dans beaucoup de pays, en commençant par l’Italie, le centre de la Catholicité. Cet état de choses ne peut manquer de ramener à notre mémoire ces paroles de Jésus en Jean 4, 23 : « L’heure vient, elle est là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; tels sont, en effet, les adorateurs que cherche le Père. »

Les adorateurs que cherche le Père ! Dieu Lui-même en train de chercher quelque chose ! Cette chose doit bien avoir une importance particulière, dans la mesure où d’une part Celui qui cherche est Celui-là même qui n’a besoin de rien et d’autre part parce qu’on ne recherche pas ce qui court les rues ou ce que l’on peut trouver partout ! Dans cet enseignement tripartite, nous allons essayer de comprendre ce que Dieu cherche, à savoir les vrais adorateurs qui adorent en esprit et en vérité. Cela nous permettra de trouver les voies et moyens pour répondre à la quête de Dieu et correspondre à ses attentes.

Dans ce premier exposé, nous aborderons « l’exercice de la Présence de Dieu » qui nous semble être la porte d’entrée dans la spiritualité de l’adoration en esprit et en vérité. Nous en avions déjà parlé dans notre enseignement intitulé « secret de la prière efficace ». Ici, nous complétons cet enseignement en empruntant une voix plus autorisée, celle du jésuite italien Giovanni Battista Scaramelli dans son livre « Guide ascétique : ou, Conduite de l’âme par les voies ordinaires de la grâce à la perfection chrétienne à l’usage des directeurs spirituels ». Nous aborderons successivement 3 points : 1. la nécessité de l’exercice de la Présence de Dieu. 2. Les moyens d’exercice de la présence de Dieu. 3. les fruits de l’exercice de la présence de Dieu.

 

Première partie : la nécessité de l’exercice de la Présence de Dieu

Giovanni Battista Scaramelli explique : Dieu est toujours présent à nous, parce qu’il est en toute chose présent par son essence, par sa puissance, et qu’il réside au fond de nos cœurs ; mais nous ne sommes pas de même présents à Dieu par notre esprit quand, oubliant sa Majesté divine, nous laissons errer notre imagination sur des choses futiles ou que nous nous plongeons mentalement dans ces sollicitudes qui, au fond, sont caduques et passagères. Or, toute chose est d’autant plus parfaite dans son essence qu’elle se rapproche davantage de son principe. C’est ainsi que l’eau est d’autant plus pure et plus limpide qu’elle est plus voisine de la source d’où elle découle ; que la chaleur est d’autant plus considérable qu’elle se rapproche du foyer qui la produit ; que le rayon de lumière est d’autant plus éclatant qu’il avoisine le plus l’astre du jour dont il émane. Au contraire, plus l’eau s’éloigne de la source qui la produit et moins elle a de limpidité ; plus on s’éloigne du foyer embrasé et moins on éprouve de la chaleur ; plus enfin le rayon du soleil s’écarte de son foyer générateur et moins il est éclatant. Il n’en est pas autrement de nous. Plus nous nous rapprochons de Dieu, qui est le principe et la vraie source de toute perfection, non pas physiquement, mais par la foi en le rendant présent dans notre esprit et dans notre cœur par de saintes pensées et de pieux sentiments, et plus aussi nous devenons parfaits ; d’autre part, plus nous nous éloignons de lui par le cœur et l’esprit et plus nous devenons misérables et imparfaits. Une branche d’arbre, pour qu’elle produise son fruit, doit nécessairement être unie au tronc sans interruption ; pour que le corps remplisse ses fonctions vitales, il doit être uni à l’âme ; car le tronc est pour la branche et l’âme pour le corps le principe et la cause des opérations qui sont propres à chacune de ces deux choses. Ainsi donc, pour que le chrétien produise des fruits pour la vie éternelle, il est rigoureusement nécessaire qu’il soit dans la constante présence de Dieu, et que par ses pensées il maintienne l’union avec Dieu.[1]

Dans les Saintes Ecritures, Dieu dit à Abraham : « Marche en ma présence et sois parfait » (Gn 17,1). Il faut par-là entendre que la perfection qu’il lui demande découle de la marche en sa présence. Et en Genèse 48, 15 le patriarche Jacob bénit Joseph par « le Dieu en présence de qui ont marché mes pères Abraham et Isaac ».  Selon le prophète Michée 6,8 ce que Yahvé réclame de l’homme, c’est : « marcher humblement avec ton Dieu ». C’est d’ailleurs ce à quoi s’évertua le roi David toute sa vie : « Je garde le Seigneur devant moi sans relâche » (Psaume 16/15, 8). C’est aussi par ce chemin qu’ont marché tous les grands Saints de l’Ancien Testament. Et cette loi de perfection, loin de changer dans la Nouvelle Alliance, a plutôt été renforcée par Celui qui, rendant visible à nos yeux sa présence afin que nous ne la perdions jamais de vue, prit pour Nom « Emmanuel » (Mt 1,23), c’est-à-dire « Dieu-avec-nous ». Nom auquel fait écho sa dernière parole : « Et moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps ». (Mt 28,20). La nécessité de l’exercice de la présence de Dieu étant établie, il nous faut maintenant voir comment se rendre présent à la Présence de Dieu ?

 

Deuxième partie : Les moyens d’exercice de la présence de Dieu

Premier moyen : Pour nous rendre présents à Dieu, nous pouvons utiliser notre imagination. Par elle, nous pouvons nous représenter Dieu présent devant nous pendant que nous vaquons à nos occupations extérieures. Lorsque nous parlons d’imagination, il faut néanmoins souligner que la divinité n’ayant pas un corps, une forme ou une figure qui puisse se dépeindre à notre imagination, le mieux pour nous, qui croyons en l’Incarnation du Verbe de Dieu, est de mettre devant les yeux de notre esprit notre aimable Rédempteur, sous la forme qui convient le mieux aux mouvements de notre âme et nous pousse davantage à l’aimer: Jésus Enfant, Jésus crucifié, Jésus transfiguré, Jésus glorifié, etc. L’essentiel, selon Thomas a Kempis, c’est de l’avoir continuellement présent à notre esprit et de ne jamais se départir de cette douce image ; c’est de diriger vers lui toutes nos actions et de chercher en toutes choses ce qui lui plaît.[2] Si la distraction survient, nous pouvons revenir paisiblement à Lui par de courtes paroles, communément appelées oraisons jaculatoires : « Jésus, j’ai confiance en toi ! » ou « Jésus, je t’aime » ou tout simplement « Jésus, je suis de retour ! »

La deuxième manière de se tenir en la présence de Dieu ne requiert pas l’application de l’imagination ou de quelque faculté particulière mais consiste dans la pure foi qui se borne à croire que Dieu est là. La foi nous dit en effet que Dieu est omniprésent, ce qui signifie qu’il est partout présent autour de nous, qu’il nous environne de toutes parts, qu’il a son regard posé sur nous et qu’aucune de nos actions ne lui échappe. De même qu’un oiseau qui vole est partout environné d’air, ou qu’un atome qui se meut dans l’espace est de toutes parts englobé dans les rayons du soleil, ou encore qu’un poisson qui nage dans les ondes est de toutes parts plongé dans les flots, de même nous sommes plongés dans notre Dieu qui nous circonscrit de toutes parts. Si nous faisons un mouvement à droite, nous trouvons Dieu ; si nous le faisons à gauche, nous le rencontrons encore ; si notre mouvement se fait vers le haut ou vers le bas, partout Dieu se trouve autour de nous. Puisqu’il est là, nous n’avons donc qu’à faire tout avec Lui, en Lui et pour Lui ; lui offrir toutes nos œuvres avec l’intention d’y faire sa sainte volonté et d’éviter tout ce qui pourrait s’y opposer. Si nous ne cherchons qu’à lui plaire, sa grâce nous accompagnera sûrement. Et ainsi, même les plus banales occupations comme manger, dormir, faire le ménage, etc. se changeront, par notre intention droite et pieuse, en œuvres saintes et méritoires.[3]

La troisième manière de s’exercer à la présence de Dieu nous est fournie par la Parole de Dieu qui déclare : « Vous êtes la maison de Dieu » (1 Co 3, 16), « vous êtes le temple du Saint-Esprit » (1 Co 6, 19). En nous fondant sur cette parole, il n’est plus nécessaire de chercher Dieu hors de nous, puisque nous l’avons déjà en nous. Que notre âme se replie donc au-dedans d’elle-même, dit Saint Basile, si elle désire devenir l’épouse de Jésus Christ et si elle veut entretenir avec lui un commerce de tendres effusions. N’oublions pas ce que disait Saint Augustin dans ses Confessions, à savoir qu’après avoir cherché Dieu partout sans Le trouver, c’est au fond de lui-même qu’il le trouva. Il écrit plus exactement ceci : « Tard je T'ai aimée, Beauté ancienne et si nouvelle ; tard je T'ai aimée. Tu étais au-dedans de moi et moi j'étais dehors, et c'est là que je T'ai cherché. »[4] Par rapport à cette spiritualité, après Saint Paul et les Pères de l’Eglise, nous sommes beaucoup redevables à Sainte Thérèse d’Avila qui y a bâti toute sa doctrine mystique, notamment dans son ouvrage « Le Livre des Demeures ou Le Château de l’âme ». Dans le « Chemin de la Perfection », elle écrit : Ceux qui pourront s’enfermer dans le petit ciel de leur âme, où ils trouveront celui qui en est le Créateur et qui s’habitueront à ne rien regarder d’autre doivent croire qu’ils marchent dans un excellent chemin, et qu’avançant beaucoup en peu de temps, ils boiront bientôt de l’eau de la céleste fontaine.[5] En ces temps où les églises sont provisoirement fermées, sachons que partout où nous sommes, il nous est possible de nous bâtir un sanctuaire intérieur, où sans même fléchir les genoux ou élever les mains vers le ciel, nous adorons Dieu en esprit et en vérité. Et cela ne peut manquer de produire des fruits merveilleux dans notre vie.

 

Troisième partie : les fruits de l’exercice de la présence de Dieu.

Dans notre enseignement intitulé « Secret de la prière efficace », nous avions déjà montré les fruits de l’exercice de la présence de Dieu dans la prière de demande, la prière d’intercession et la prière de protection. Ici, nous en montrons les fruits pour la sanctification. Selon Giovanni Battista Scaramelli, qui se fonde sur l’expérience des patriarches, des Pères de l’Eglise et de nombreux Saints, l’exercice de la présence de Dieu est un des moyens les plus efficaces pour arriver promptement à la perfection chrétienne. Saint Grégoire de Nazianze atteste que ce moyen pratiqué avec persévérance et sans interruption peut suffire à nous procurer la sainteté. Pour Saint Basile, beaucoup d’âmes se perdent parce qu’elles ne pensent pas que Dieu soit présent à tous leurs actes, qu’il est témoin de tout ce qu’elles font, parce que s’il n’en était pas ainsi, il leur suffirait d’avoir constamment gravée au fond de leur mémoire cette pensée de la présence de Dieu pour se préserver de tant de désordres, ou du moins d’un si grand nombre de transgressions dont elles se rendent coupables. Le fait est que lorsque nous nous trouvons en présence d’une grande personnalité, nous ne nous permettons nullement de faire n’importe quoi, les sujets ne se permettent pas n’importe quoi en présence du roi ou d’un monarque qui a sur eux droit de vie et de mort. Giovanni Battista Scaramelli conclut : « Il est aussi difficile de marcher en la présence de Dieu sans acquérir les plus solides vertus et sans se laisser embraser par les flammes de la charité, qu’il le serait de se tenir toujours devant le feu sans se réchauffer. »[6] La présence de Dieu transforme et transfigure. Souvenons-nous de MOISE qui, sortant de la présence du Seigneur, avait le visage tellement rayonnant qu’il dût mettre un voile sur le visage pour ne pas éblouir les fils d’Israël. Se tenir en présence de Dieu, c’est ce pour quoi nous avons été créés. Au jardin d’Eden, Adam et Eve n’avaient pas d’autre occupation que celle-là avant qu’intervînt le péché.

 

 

 

 

 

Bibliographie

Augustin d’Hippone, Les Confessions.

Giovanni Battista Scaramelli, Guide ascétique : ou, Conduite de l’âme par les voies ordinaires de la grâce à la perfection chrétienne à l’usage des directeurs spirituels, Paris 1882.

Saint Teresa (of Avila), Œuvres très complètes de Sainte Thérèse : précédées du portrait de la Sainte par Th. Blanchard…, USA 2019.

 


[1] Giovanni Battista Scaramelli, Guide ascétique : ou, Conduite de l’âme par les voies ordinaires de la grâce à la perfection chrétienne à l’usage des directeurs spirituels, n° 272-275.

[2] Ibidem, 295-296.

[3] Ibidem, 297 ; 304.

[4] Saint Augustin d’Hippone, Les Confessions 10, 27.

[5] Sainte Thérèse d’Avila, Chemin de la Perfection, chapitre 28. Saint Teresa (of Avila), Œuvres très complètes de Sainte Thérèse : précédées du portrait de la Sainte par Th. Blanchard…, USA 2019, 533-534.

[6] Giovanni Battista Scaramelli, Guide ascétique : ou, Conduite de l’âme par les voies ordinaires de la grâce à la perfection chrétienne à l’usage des directeurs spirituels, n° 284.

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